Page 5 sur 7Que faire pour avancer?
Lorsqu’on se persuade du rôle de la culture en tant que levier d’un développement intégré durable, il devient nécessaire de réfléchir à une formule qui permette de procurer aux différents acteurs de la vie culturelle une structure capable de rassembler leur parole et de peser sur les décisions des pouvoirs publics afin d’accorder à la culture la place qui lui convient. L’occasion manquée au moment de la rédaction de la Constitution a démontré que ni les constituants ni les partis politiques et leurs dirigeants n’éprouvent la moindre volonté d’instituer « une instance des droits et des valeurs culturelles ». Il est apparu comme, je l’avais évoqué précédemment, que les politiciens soit qu’ils n’accordent aucune importance à la culture qui mérite l’attention dans leur programmes et démontrent ainsi leur déficience dans ce domaine, ils ignorent que l’homme n'est que culture alors que l'animal n'est que nature, soit qu’ils craignent que cet instance ne se transforme en un contre-pouvoir supplémentaire dont ils peuvent s’en passer.
L’idée initiale était de faire adopter par les constituants une « Instance des Droits et des Valeurs Culturelles » dans la nouvelle Constitution. Les objectifs et les enjeux de cette structure est de matérialiser les aspirations de la révolution exprimées par le peuple tunisien à travers quelques repères:
1- Rétablir l’équilibre entre la fonction intellectuelle et la fonction politique en cessant de rechercher des alternatives qui ne peuvent qu’affaiblir les Etats à la longue et provoquer des crises et des .situations explosives qui conduiraient soit au désordre ou à la dictature.2- La lutte pour combattre le totalitarisme à travers:
a) L’établissement d’un équilibre entre les moyens d’information et de communication et l’Etat afin qu’ils puissent accomplir son rôle d’arbitre dans le cadre de la loi, en recommandant d’empêcher tous les procédés qui risquent de faire obstacle à une .information libre et loyale.
b) En contrecarrant toute confusion dans les attributions et les agissements des trois pouvoirs et en détectant toute collusion éventuelle nuisible à l'intérêt public et aux intérêts .des citoyens.
c) En combattant la propension de l’Etat à phagocyter la société civile en cherchant à .transformer l’idéologie étatique en dogme imposé aux penseurs et hommes de culture.
d) En veillant à ce que le pouvoir exécutif émane des composantes de la société civile et soit en harmonie avec elles, capable d’aménager des rapports de confiance et de donner l’importance qu’elle mérite à la créativité.
e) Dénoncer l'extrémisme et les mouvements contingents qui participent à consacrer le totalitarisme et dans la plupart des cas à secréter la servilité qui est en embuscade dans la .société et qui provoquent la confusion entre la dévotion au divin et la servitude.
3- Agir en contribuant à résoudre la crise civilisationnelle dans le monde arabe et dans le monde et qui pèse de son poids sur la jeunesse et ce à travers:
a) La révision des programmes d’enseignement, non pas dans l’improvisation et la précipitation, mais en accordant un intérêt particulier aux valeurs et droits culturels et en .évitant de surcharger les têtes avec des connaissances seulement.b) Accorder la première place à la dimension culturelle dans tous les aspects de la vie et en particulier dans le domaine éducationnel, touristique, sportif, écologique et de la .jeunesse.
c) OEuvrer à la création de l’Agence de Promotion des Investissements Culturels en se basant sur le concept de l’économie de la culture et en considérant les industries culturelles .en tant que principal support du développement intégré.En fait, ces objectifs sont suggérés à partir de l’esprit même de la Constitution adopté récemment, ils requièrent leur matérialisation dans un proche avenir par le biais de plusieurs mesures qui pallieraient : ce qu’elle inclut comme laconisme et généralités susceptibles d’être inexactement interprétés à savoir:
Premièrement : S’inspirer comme précédemment indiqué des nouveaux concepts diffusés par l’UNESCO relatifs d’une part aux valeurs culturelles, en particulier dans sa relation avec les procédés du développement intégré (économie de la culture, industries culturelles), éducation, savoir, technologies de la communication, sport, qualité de la vie, créativité artistique, coopération internationale, pour être ainsi parmi les priorité des institutions qui oeuvrent à aménager les efforts de la communauté internationale en vue d’établir une existence plus harmonieuse. D’autre part, les droits culturels tels que contenu dans la déclaration de Fribourg (7 mai 2007) dans son article 11 qui a défini tout ce que les Etats et les organisations internationales s’engagent concernant ces droits sous l’égide
.de l’UNESCO.
Deuxièmement : Ne pas se contenter de ce qui figure dans les articles 41 et 42 de la nouvelle Constitution comme principes généraux, dont le contenu demeure au stade des voeux et susceptible .d’être interprété et les matérialiser par des textes d’application.
Troisièmement : Examiner par la prochaine Assemblée des Représentants du Peuple l’éventuelle révision du chapitre VI de la nouvelle Constitution pour ajouter la création d’une Instance Indépendante des Droits Culturels et des Valeurs Humaines telle que recommandé par l’UNESCO .afin de pouvoir mettre en oeuvre effectivement les articles 41 et 42.
L’instance aurait un rôle consultatif et donnerait son avis sur les textes de loi soumis à L’Assemblée Représentative du Peuple au niveau de sa conformité avec les valeurs et les droits culturels. Elle peut proposer ce qu’elle considèrerait comme utile pour développer l’activité culturelle dans les domaines des industries culturelles, les investissements dans ce secteur, ou la politique qu’il faudrait suivre concernant le rayonnement de la culture tunisienne à l’extérieur en se basant sur des centres culturels ou les attachés culturels dans nos représentations diplomatiques en activant l’arrêté gelé par Ben Ali. L’expérience a démontré qu’une politique culturelle qui se referme sur elle-même est condamnée à la .marginalisation quelle que soit sa valeur intrinsèqueCe projet représente des jalons posés sur la route longue et difficile de la vie culturelle en Tunisie. Il semble être finalement prématuré pour une classe politique obnubilée par les apparences trompeuses d’une démocratie
balbutiante plutôt que par la construction, par des femmes et des hommes d’une véritable stature espérée, d’une société humaine imaginative, digne, libérée et apaisée. Pour voir le jour, il faut que le pouvoir exécutif soit réactif et totalement en accord avec ses orientations pour les mettre en oeuvre.
Une autre option pourrait alors être envisagée afin de donner du temps à nos politiques pour qu’ils .murissent, acquièrent de l’expérience et se façonnent une vision d’hommes d’Etat pour certains.
Puisqu’une révision éventuelle de la Constitution semble problématique dans ces conditions, il convient d’être pragmatique et lancer un appel aux intellectuels tunisiens pour qu’ils s’organisent et mettent en place cette instance progressivement en recourant au mécénat qui vient d’être adopté. J’appelle à l’organisation des Etats Généraux de la Culture en Tunisie, une entreprise indissociablement citoyenne qui nous interpelle. Je parle d’intellectuels car ce terme fait appel à l'intelligence qui serait la partie la plus sublime de l'être. Surtout que la vie politique en Tunisie tend de plus en plus à s’ordonner autour des enjeux de conquête et d’exercice du pouvoir, et non autour du souci d’exprimer la société ou de gouverner correctement l’avenir. Les discours et les comportements ne cessent de s’éloigner des aspirations des citoyens. Cette situation nouvelle exige une vigilance des femmes et des hommes de culture au cours d’un processus historique sur la manière de gouverner et exige une réflexion pour montrer un autre chemin. L’objectif est de proposer un plan d’action national à moyen et long terme, charpente d’une vision culturelle pour un développement intégré, formulé à partir des propositions issues d’un état des lieux du secteur et des recommandations des professionnels, du public et des institutionnels. Les "Etats Généraux de la Culture en Tunisie" réuniraient l'ensemble des acteurs tunisiens du secteur culturel : les institutionnels (ministères de la culture, du tourisme, de la jeunesse et des sports, de l'artisanat, des finances, de l'éducation nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur...), les collectivités territoriales, les artistes, les opérateurs culturels, la société civile, les entrepreneurs culturels et le public, les médias....afin de dégager des priorités et baliser la voie.
C’est aussi la mise en place progressive d’une instance qui serait l’oeuvre des intellectuels eux-mêmes rassemblés pour engager un processus d’émancipation de la culture réalisable par trois opérations constitutives : transgresser, déplacer et dépasser vers des nouveaux espaces d’intelligibilités plus riches et plus ouvertes. Je propose les Etats Généraux de la Culture pour réfléchir sur cette plateforme qui serait l’expression de l’espoir pour que notre culture soit dotée de sens où l’exigence de la tolérance et de la fraternité serait plus sentie et qui constituerait un tournant majeur en cette étape de notre histoire, qui doit s’opérer dans la sérénité, la cohésion et la paix civile. Unissez-vous, femmes et hommes de culture de Tunisie avec toutes vos nuances pour dégager de nouveaux horizons enluminés .des couleurs de l’espoir et de la liberté
BÉCHIR BEN SLAMA
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Site officiel : www.bechirbenslama.com
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